Je me retirais avec ce dégout qui coulait autant au fond de ma personne, que sur le long de mon menton. Je relevais la tête tout en passant la paume de ma main sur mes lèvres meurtries comme si je pouvais effacer ce que je venais de faire, toutefois je savais que cela en était impossible. J’évitais son regard, mais il ne regardait plus que moi. Je me sentais emprisonné, confiné à l’arrière de cette voiture et ce grand brun qui m’enveloppait de son aura. Il souriait. Cela veut dire au moins que je faisais bien ce que je devais faire. Ce que je me sentais le devoir de faire. Il sortit un paquet de billet et j’avançais ma main hésitante. Je ne faisais cela pas gratuitement, mais alors que l’odeur des coupures toutes neuves s’infiltraient tout autour de moi, je ne voulais plus que m’enfuir. Je voulais remonter le temps, tout effacer et rire de toute cette honte qui roulait sur ma conscience. « Tiens, tu l’as bien mérité. Je t’ai donné un petit supplément.» Je le remerciais sans prononcer un mot, ma tête chancelante sur mes épaules. Je terminais par enfoncer l’argent dans le fond de ma poche. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? Je détestais maintenant tout ce qu’il avait autour de moi ; cette odeur de luxure qui embaumait les sièges, le regard de cet homme que je savais marié, même la main de cet homme qui avait l’âge d’être mon père dans mes cheveux à présent. « Tu sais que tu es très mignon ? » Je ne voulais plus qu’une chose partir. Il m’agrippa le bras et regarda là où je voulais que personne ne regarde. « Qu’est-ce que t’es arrivé à ton visage ? » J’ouvrais enfin la bouche comme si je retrouvais l’usage de la parole. Mon souffle était brulant et douloureux. « C’est rien. Il ne faut pas s’inquiéter pour moi…Je l’avais mérité. »

Ce sentiment de honte et moi nous nous sommes extirpés de cette voiture. Qu’est ce que je pouvais ajouter de plus ? Que j’avais encore essayé de m’extirper de cette situation lancinante et pesante ? Que j’avais essayé de parler à Sammy pour qu’il tienne sa parole et que je puis-ce arrêter si j’en avais envi ? Que le ton était monté et que la main de mon petit ami avait dérapé sur ma joue ? Je m’avançais dans cette rue, plus aucun signe de vie, simplement les premiers rayons de soleil. C’était l’aube d’une nouvelle journée, l’aube de nouvelles opportunités et alors que le froid glacial londonien rampait le long de mes os, je redevais le Seth que tout le monde aimait. Mon visage se décrispait et je me forçais à sourire car personne ne connaissait le Seth avec de la peine. Je croisais certains de mes camarades d’infortunes. Je m’arrêtais quelques secondes pour rire avec eux, pour qu’on se tape dans le dos, pour qu’on se rassure et qu’on se remonte le moral. Ils attendaient cela de ma part. Ils attendaient mes blagues et mon humour.

Je terminais ma ronde dans mon café, notre endroit à nous tapineurs en tout genre pour se réchauffer et avoir de quoi se poser. Il était impossible que vous croisiez du bon monde, mais cela permettait de ne pas avoir honte de ce que nous étions. Je savais que beaucoup n’étaient pas comme moi. Comme mon ami Faust que je voyais installé devant sa boisson brulante, ses yeux se perdant dans la fumée qui formaient des volutes. Il était mon doux parfum dans ma vie si triste. Il était impossible de ne pas sourire même si je le voyais que de dos. Nous avions l’habitude de nous retrouvons ici. Nous avions l’habitude de parler pendant des heures. Je ne pouvais plus rentrer chez moi sans ce petit plus dans ma journée. Il ne s’en rendait pas compte, mais il m’en donnait du courage. Je m’approchais comme un félin. Je me glissais dans la banquette derrière lui. J’avais un sourire carnassier et je sautais subrepticement pour déposer un suçon sur sa nuque. « Attaque surprise ! » J'étais familier avec lui. J'étais tactile avec lui. Rien ne me semblais impossible avec lui. Je tournais autour de la table et je m'installais face à lui. Je commandais un chocolat chaud. « Tu m'attends depuis pas trop longtemps, j'espère ? Je viens de me faire 100 livres, tu dis mieux, beau gosse ? » Je baissais légèrement ma tête pour espérer qu'il remarque pas la marque sur mon visage.