Et tu te demandes qu’est-ce que tu fais sur ce trottoir. Est-ce que c’était pour le plaisir, par obligation ? Tu lèves la tête, recrachant la fumée de ta cigarette. En fait, tu ne savais pas, tu n’arrivais pas à répondre. Tu ne pouvais pas, Faust. Tu te considérais comme un con, t’imposant aucune limite. Hausse les épaules, fais comme si c’était normal. Tu portes ton regard au loin, à la recherche d’une inconnue. Cette inconnue que tu appelles cliente. Cette cliente qui viendra t’aborder, et un sourire se dessinera sur tes lèvres. Tu passeras quelques heures avec elle, tu y prendras ton pied et tu rentreras, les poches pleines de billets. Nombreuses étaient les fois où tu avais espéré une autre vie, un autre toi. Pourtant, cela ne te dérange pas de te vendre, de t’offrir à ces dames. « Pourquoi tu fais ça ? » On te le demande souvent, tu ignores la question. Certains peinent à le croire, d’autres essaient d’oublier. Que penserait ta famille en apprenant la nouvelle ? Était-elle mauvaise ? Cela ne fait que quelques mois et tu considères ces nombreuses nuits comme la norme, tu te fiches des avis des autres. Tu te fiches de tous ces regards, de ces soupirs à ton égard. Tu lèves tes deux majeurs, tu te retournes, tu t'en vas. Et Merle ? L’as-tu oubliée ? Elle, elle agrippera ton bras. Aussi longtemps qu'elle pourra. Elle veut que tu affrontes la réalité, elle veut que tu réagisses. Impuissant, tu seras. Tu le seras toujours, Faust. Toujours devant ses boucles blondes, ses formes joliment dessinées, son regard si troublant. Tu finiras par la prendre dans tes bras, tu jetteras un bref coup d’œil à ces gens pour la faire plaisir et tout ira bien. Tout ira mieux. Mais pour combien de temps ? La cigarette pendait à tes lèvres et tu frottais énergiquement tes bras avec tes mains presque froides. La nuit avait déposé son voile sombre, et Londres semblait endormie. Échappe un soupir, ce sera pour une prochaine fois. Tu fais quelques pas, hésitant à rester encore un peu. Tu tournes légèrement la tête, observant les autres à attendre. Ils paraissaient désespérés. Tu détournes le regard, tu faisais bien partie de ceux-ci. Ils ne connaissaient pas ton prénom, ils ne savaient rien de toi. Un mot, quatre lettres ; Hole. Le garçon au fond du trou, c’était donc ça ? Tu avais honte de te dévoiler au grand jour ? Raison de ce stupide pseudonyme, de ce surnom ? Celles à qui tu volais des baisers ne devaient donc pas savoir ? De brefs baisers, des baisers non-mérités. Elles pouvaient, tu sais. Elles avaient le droit. Ta main passe sur ton visage et tu oublies désespérément cette question. Inutile.